Il existe des lieux qui dépassent la simple fonction de terrain de jeu. Des cathédrales de béton et d’acier où se sont écrits des chapitres inoubliables du football mondial. Des temples où se sont gravés les éclats de gloire, les rancunes tenaces et les revanches éclatantes. À Milan, l’un de ces monuments vit ses dernières heures. Pourtant, avant de s’effondrer, le stade qui a vu Samuel Eto’o humilier Guardiola et Ibrahimovic continue de murmurer ces légendes.
San Siro, le colosse aux pieds d’argile
Depuis 1926, le stade Giuseppe Meazza, plus connu sous le nom de San Siro, est le cœur battant du football italien. Théâtre des derbies les plus électriques d’Europe, forteresse des soirées européennes mythiques, il est devenu au fil du temps un symbole planétaire. Mais ce colosse vit désormais sous perfusion.

Depuis quatre ans, son avenir se joue dans les bureaux de la municipalité et devant les tribunaux. Après des débats interminables, la cession à l’Inter Milan et à l’AC Milan doit être finalisée avant le 10 novembre 2025. Passé cette date, la Surintendance de la Ville Métropolitaine de Milan bloquera toute démolition, tant que le stade restera public.
Un compte à rebours impitoyable s’est enclenché. Et derrière lui, un projet titanesque : bâtir une enceinte ultramoderne de 71 500 places pour 2031, imaginée par les prestigieux cabinets Manica et Foster & Partners. Plus moderne, plus fonctionnelle, adaptée aux standards de l’UEFA… mais vidée de l’âme qui habitait San Siro.
Eto’o, l’échange qui a changé l’histoire
San Siro n’est pas qu’un amas de béton : c’est une mémoire vivante. Parmi ses récits les plus marquants, celui de Samuel Eto’o résonne comme une revanche personnelle. En 2009, le FC Barcelone décide de tourner la page. Le club, sous Pep Guardiola, pousse son attaquant camerounais vers la sortie.
L’échange avec Zlatan Ibrahimovic fait la Une : Eto’o part à l’Inter, tandis que le Barça débourse en plus 43 millions d’euros pour s’offrir le Suédois. Sur le papier, Ibrahimovic est au sommet de sa carrière. Mais la réalité allait se charger d’inverser la balance.

À Milan, Eto’o explose. Avec José Mourinho, il devient l’âme d’un Inter conquérant. En 2010, il élimine son ancien club en demi-finale de Ligue des Champions avant de triompher face au Bayern Munich (2-0). Zlatan, lui, ne connaîtra à Barcelone qu’une saison frustrante, sans Coupe aux grandes oreilles.
Seize ans plus tard, Eto’o n’a rien oublié. Sur Instagram, il publie une photo de sa signature à l’Inter avec une légende moqueuse : « 16 ans déjà », taguant Zlatan. Une manière de rappeler que dans ce deal, le grand vainqueur, c’est lui.
Guardiola dans le viseur : la rancune éternelle
Mais derrière Zlatan, il y a un autre nom qui hante ce chapitre : Pep Guardiola. L’entraîneur espagnol, fraîchement arrivé au Barça en 2008, avait décidé d’écarter Eto’o. Et le Camerounais ne lui a jamais pardonné. Invité dans l’émission Le Club du dimanche sur beIN Sports, Eto’o n’avait pas mâché ses mots : « Guardiola voulait me donner des leçons d’attaquant, mais lui était milieu. Je lui ai dit : Mais tu n’es pas normal, toi ?. Il n’a jamais eu le courage de me parler en face. »

Pour Eto’o, le manque de respect était flagrant. Pire, il rappelle à Guardiola : « Celui qui te fera gagner, c’est Eto’o ». Et les faits lui ont donné raison. Car après son départ, c’est bien à San Siro qu’il a trouvé la reconnaissance, gravant dans la pierre de ce stade la plus belle revanche de sa carrière.
Le démantèlement d’un mythe
Pendant que ces histoires résonnent encore dans les travées, le destin de San Siro s’écrit ailleurs. Le chantier de destruction commencera en 2027, sur le parking jouxtant le stade actuel. La méthode sera implacable : démontage de la toiture, puis destruction progressive des anneaux du troisième jusqu’au premier.
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À la fin, seuls quelques vestiges resteront, comme l’angle sud-est ou un morceau de la Curva Sud, tels des reliques d’un âge d’or. Entre-temps, le stade accueillera encore des matchs, ainsi que la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver en février 2026. Mais son souffle s’éteindra lentement, morceau par morceau, sous les coups des engins mécaniques.
Milan, l’Europe et la mémoire
Cette disparition n’est pas seulement une affaire locale. L’Italie co organisera l’Euro 2032 avec la Turquie. Pourtant, il ne dispose pour l’instant que d’un seul stade aux normes UEFA : celui de la Juventus, à Turin. San Siro, dans son état actuel, ne répond plus aux exigences.
Le nouveau stade de Milan est donc crucial… mais le temps presse. Pendant que les dirigeants calculent et que les architectes dessinent, les supporters redoutent une perte irréversible : celle d’un temple où se sont jouées leurs plus grandes émotions.
Quand les murs tombent, les souvenirs survivent!
La fin de San Siro sera un déchirement. Les cris des tifosi, les duels épiques, les gestes d’éclat d’un Samuel Eto’o humiliant Guardiola et Ibrahimovic… tout cela disparaîtra physiquement. Mais ces souvenirs, eux, survivront à la poussière et aux pelleteuses.
Car les stades meurent, mais les légendes qu’ils ont abritées, elles, traversent le temps. Alors, quand San Siro s’effondrera, une question demeurera :
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peut-on vraiment détruire un monument qui vit encore dans la mémoire collective du football ?